Avant de parler de stratégie, parce que les Robots aiment bien documenter leurs propos, rappelons que dans l’esprit du public, l’enseignement supérieur en France regroupe à la fois les universités et les grandes écoles dont la majorité sont de commerce ou d’ingénieurs. Pour autant, ce serait laisser de côté des centaines voire des milliers d’établissements qui ne peuvent se targuer d’être de grandes écoles, et encore moins des universités. Si l’on tient à faire ce distinguo, c’est précisément parce que nous traitons, dans cet article, des marques universitaires.
Or la marque est devenue une conversation, depuis le Clue Train Manifesto, par Levine et al. (1999). Ainsi, soit on parle de votre marque, soit elle n’existe pas, en dehors d’être une représentation symbolique de votre activité économique ou sociale. C’est tout l’enjeu de la notoriété. Être connu permet d’attirer vers soi davantage de publics, qu’ils soient des chercheurs, des enseignants, des étudiants ou même des parents en quête d’une voie d’orientation pour leur progéniture. Ainsi, en France, qui ne connait pas HEC ou l’École Polytechnique, qui n’a pas en tête la Sorbonne lorsqu’il s’agit de débattre de l’université à la française ?
Si certaines de ces écoles ou universités sont connues depuis plusieurs centaines d’années, étant ainsi devenues des marques sans même s’en rendre compte, d’autres plus récentes ou moins connues, s’évertuent à développer des stratégies pour les rejoindre dans l’esprit du public. Devenir une grande marque, une marque que le monde entier nous envie, n’est certes pas à la portée de toutes les écoles, mais les études montrent bien qu’il y a un lien direct entre notoriété et indicateurs de performance pour tout établissement.
C’est sans aucun doute ce qui motive depuis quelques années les universités dans leur quête de la marque qui marquera le XXIe siècle de son empreinte. Ainsi, les universités françaises ont amorcé une véritable réflexion stratégique autour de leur marque. Elles ont alors mis en œuvre des plans d’actions visant à renforcer leur attractivité et leur différenciation dans un contexte de concurrence accrue, tant nationale qu’internationale.
Leur première idée, c’est naturellement de changer de nom. Parfois, elles y ont été contraintes par les fusions nées de la réforme des universités de 2007. Ce sont ainsi de nombreuses universités qui ont adopté de nouveaux noms à forte valeur symbolique ou internationale (ex. : Sorbonne Université, Université Paris-Saclay, Université Gustave Eiffel, CY Cergy Paris Université, Université Côte d’Azur, Université Sorbonne Paris Nord). Ces démarches, étalées dans le temps, s’accompagnent souvent d’une refonte de l’identité visuelle et d’une communication ciblée, visant à clarifier l’offre et à capitaliser sur des marques mondialement reconnues comme « Sorbonne » ou « Eiffel ».
Avant de revenir plus en détail sur certains exemples, il convient d’ajouter que les efforts des universités portent également sur le développement de plateformes de marque et de plans de communication dédiés. En amont, certains de ces établissements investissent de plus en plus dans l’analyse concurrentielle, la gestion de leur positionnement et la mise en œuvre de stratégies de marketing de l’offre pour attirer étudiants et partenaires. Leur objectif prioritaire reste d’augmenter leur attractivité, d’afficher une bonne notoriété de marque.
Alors, comment la notoriété des marques comme « Sorbonne » ou « Eiffel » influence-t-elle la stratégie et la performance globale de ces universités ?
D’abord, le choix d’un nom qui est déjà très installé dans le vocabulaire collectif. Un nom comme « Sorbonne » ou « Eiffel » permet, en effet, à l’établissement de se démarquer immédiatement dans un paysage concurrentiel saturé. Les étudiants, partenaires et employeurs sont plus enclins à faire confiance à une institution dont le nom évoque l’excellence et l’histoire.
Ensuite, un effort pour aligner toute la communication de l’établissement en construisant son discours et sa plateforme de marque autour de figures emblématiques ou de symboles puissants.
Enfin, un impact sur l’expérience vécue est recherché et apprécié par les publics. Ainsi, plus ancrée dans un imaginaire commun et puissant, la marque permet de bâtir des campagnes de communication plus percutantes, en s’appuyant sur l’émotion, l’expérience et la quête de sens associées à la marque. Ce qui incite les étudiants mais aussi les enseignants à choisir une université plutôt qu’une autre.
D’autres marques de l’ESR perdurent et justifient leur notoriété par la différence d’identité. En effet, l’autre aspect puissant de la marque dans l’ESR, c’est son rôle identitaire. Les anciens d’HEC, les alumni de Sciences Po, les avocats d’Assas, les PhD de Dauphine, les centraliens ou les Gadz’Arts, tous ont en commun d’appartenir à une communauté, définie par la marque.
Pour autant, cette identité est-elle lisible et appréciée au niveau national, puis mondial ?
Pour citer le Président de l’Université de Montpellier, Philippe Augé, changer de nom sans changer d’identité, c’est rechercher « lisibilité, simplicité, efficacité ». Lancée en 2015, l’Université de Montpellier, née de la fusion entre Montpellier 1 et Montpellier 2, affiche sur son logo une devise renvoyant à son histoire : « l’avenir depuis 1220 ». Accueillant 42000 étudiants à sa fondation, l’Université de Montpellier en reçoit environ 10 000 plus 10 ans plus tard. Elle progresse fortement dans les classements mondiaux, devenant même, sur la dimension de la transition écologique, la première université française. Succès incontestable de ce repositionnement et de ce travail pour une marque plus lisible.
Ainsi, il est fréquent que les établissements s’appuient sur leur histoire, leur singularité culturelle, leur ancrage territorial ou leur expertise disciplinaire pour affirmer un positionnement distinctif. Autre exemple, l’Université de Rennes, ex-Rennes 1 renommée en 2025, met en avant son lien fort avec la vie étudiante locale et le dynamisme de son territoire.
La plateforme de marque de Sorbonne Université s’appuie, quant à elle, sur l’héritage prestigieux des universités fondatrices, tout en affirmant des engagements contemporains : excellence académique, innovation, transition environnementale, ouverture internationale, égalité et diversité. Pour son projet 2025-2029, Sorbonne Université a consacré une année entière à la co-construction du projet, impliquant largement étudiants, personnels, enseignants-chercheurs et partenaires extérieurs, affirmant ainsi son respect de la communauté.
Simplicité encore, lorsque la ComUE Université Côte d’Azur devient en 2020, l’Université Côte d’Azur.
« Ainsi organisée, Université Côte d’Azur est dotée des outils qui lui permettent de se positionner comme une des grandes universités de recherche du 21ème siècle… Université Côte d’Azur entend ainsi rayonner à l’international et se placer parmi les meilleures universités européennes. »
Au-delà du nom, au-delà des logos, les marques de l’enseignement supérieur doivent absolument inspirer la confiance et incarner la pérennité du modèle académique.
Mais est-ce suffisant ? Ne faut-il pas faire rayonner la marque en dehors de l’établissement ? Comment l’exemple de Paris-Saclay, devenue la première université française dans le classement de Shanghaï (12ème université mondiale – un record historique), pourrait inspirer d’autres établissements dans les prochaines années ?
D’abord en créant un lieu, une structure dédiée à l’innovation et à la recherche, l’Université Paris-Saclay, a créé une nouvelle marque : le Paris-Saclay Innovation Playground, qui affirme très clairement ses dimensions internationales et « moderne ou fun ». Ainsi, Paris-Saclay est positionné comme l’écosystème Deep Tech n°1 en Europe ! Paris-Saclay rassemble 15% de R&D publique et privée française, au sein d’un écosystème extrêmement riche qui comprend l’Université Paris-Saclay, l’Institut Polytechnique de Paris et six verticales industrielles stratégiques (Aéronautique, Mobilité, Santé, TIC, Énergie/Environnement et Foodtech).
Notons que Sorbonne Université suit également cette stratégie de lieu pour incarner la marque, avec l’ouverture prochaine de sa « Cité de l’Innovation », en plein Paris.
En créant l’événement SPRING Paris-Saclay, l’université envoie par ailleurs, un signal fort dans la sphère économique, puisque s’y retrouvent à la fois des acteurs de la recherche publique et des acteurs privés de l’industrie, de l’économie nationale et internationale. Cette mise en lumière de l’excellence scientifique et technologique du territoire favorise la rencontre entre chercheurs, entreprises et investisseurs, et contribue à renforcer l’attractivité du site pour les entreprises internationales et les talents.
La stratégie de marque de Paris-Saclay a aussi permis de structurer un fil rouge commun entre les différents acteurs publics et privés du territoire, favorisant la cohésion et la mutualisation des efforts en communication et développement économique. Le réseau d’ambassadeurs, composé de grandes entreprises implantées sur le territoire, joue un rôle actif dans la promotion internationale de la marque.
On le voit, définir une stratégie de marque, c’est aller au-delà de la simple identité, de la représentation et de la communauté. Faire vivre sa marque dans les conversations des écosystèmes qui favorisent son développement, c’est proposer d’autres moments, d’autres lieux où les échanges se multiplient. Ainsi, les différentes parties prenantes trouvent leur place, se sentent valorisées à juste titre, aux côtés d’une marque qui devient plus forte grâce à leurs engagements et leurs conversations quotidiennes.
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