Cette réputation est tout à fait justifiée. Il y a 20 ans, lorsque nous avons créé Verifdiploma, le constat était déjà celui d’une profusion de diplômes et de formations qui rendait le paysage illisible. On était déjà un peu perdus, on ne savait plus comment bien valoriser les compétences et les parcours. Mon expérience personnelle en est une bonne illustration : j’avais fait un magistère de finances à la Sorbonne, une excellente formation alliant théorie et pratique, mais si vous demandiez à un recruteur en l’an 2000 ce qu’était un magistère, personne ne pouvait répondre. Le mot inspirait le sérieux, mais la valeur réelle était floue.
Depuis, ce phénomène n’a fait que s’accélérer de manière spectaculaire. On a assisté à une multiplication des écoles et des formations, transformant l’éducation en un véritable marché, un business dominé par le marketing. Même les plus grandes écoles ont participé à ce mouvement en créant de nouveaux produits pour faire du business. Cette évolution a brouillé les pistes : on ne sait plus très bien où se situe la valeur. Par conséquent, la valeur d’un diplôme est aujourd’hui de plus en plus décorrélée de son contenu intrinsèque pour être liée à la valeur de la marque de l’établissement et à son attractivité.
Pour se développer et créer de la valeur, les écoles doivent s’internationaliser. Celles qui sont restées trop franco-françaises manquent de moyens pour attirer les meilleurs professeurs et les meilleurs étudiants.
Dans ce marché mondialisé, l’attractivité n’est plus une option, elle est essentielle. Une école qui n’est pas attractive n’aura pas les moyens de se développer. Protéger ses diplômes, c’est donc avant tout protéger sa marque et sa valeur future.
Cependant, il y a un paradoxe. Si le marketing a pris le dessus, la qualité de certaines formations de masse semble avoir baissé. J’entends des recruteurs se plaindre que des techniciens titulaires d’un BTS — un diplôme qui concerne plus de 100 000 personnes par an — manquent de compétences fondamentales et ne savent pas répondre à des questions basiques. Face à cela, le besoin réel des entreprises porte sur les compétences plutôt que sur le parchemin lui-même. C’est d’ailleurs une tendance que nous observons dans notre activité de vérification : les demandes se concentrent de plus en plus sur les relevés de notes, qui détaillent les compétences acquises, plutôt que sur le diplôme global.
L’Afrique a été une grande découverte pour moi, car les enjeux y sont encore plus importants et plus directement reconnus qu’en Europe. Là-bas, tout le monde s’accorde à dire que le diplôme est un levier fondamental d’émancipation sociale. C’est un outil essentiel pour les jeunes issus de milieux défavorisés, mais aussi, et c’est crucial, pour les jeunes femmes. La formation est le principal moyen de se développer, d’acquérir de nouvelles compétences et de s’offrir une mobilité. Partir en Occident restant très coûteux, on observe une forte mobilité à l’échelle sous-régionale : un jeune de Côte d’Ivoire ira se former au Sénégal ou au Maroc, par exemple.
Le dynamisme est incroyable. Cependant, le continent est confronté à un fléau : le faux diplôme, qui pénalise tout le système, dévalorise les formations légitimes et freine le développement.
Du côté des entreprises, le défi est immense. Leur problématique n’est pas seulement de trouver des compétences, mais surtout de les retenir. Dès qu’une personne est formée et compétente, elle a tendance à partir, attirée par d’autres opportunités dans un marché mondialisé. Les entreprises sont donc dans un cycle permanent de formation et de recrutement pour pallier ce manque de rétention. Pour elles aussi, l’attractivité est devenue une question de survie : si elles ne sont pas attractives, elles perdent leurs meilleurs éléments.
Il faut d’abord rappeler que la falsification de documents n’est pas nouvelle. Elle est apparue avec l’ordinateur personnel et s’est accélérée avec Internet. Dès 2001, quand nous avons lancé Verifdiploma, il existait déjà des sites permettant d’acheter de faux diplômes en ligne. L’IA générative ne fait donc qu’accélérer et amplifier un phénomène qui existait déjà depuis 15 ou 20 ans.
Cependant, l’IA introduit une menace bien plus grande et plus insidieuse : la fraude organisée basée sur l’usurpation d’identité. Il est désormais possible de construire un dossier complet et parfaitement crédible — avec de vrais diplômes, de vrais cursus appartenant à quelqu’un d’autre — mais associé à une fausse identité. On voit déjà des cas très concrets dans le secteur bancaire, où des fraudeurs se font recruter avec de faux profils, parviennent à détourner des centaines de milliers d’euros en quelques semaines et disparaissent sans laisser de traces.
Face à cela, notre méthode de vérification systématique à la source est plus pertinente que jamais. Nous ne nous fions jamais au document, aussi parfait soit-il, mais nous contactons directement l’établissement émetteur. Pour contrer ces fraudes complexes, il faut multiplier les points de contrôle : vérifier le diplôme, bien sûr, mais aussi une pièce d’identité, un stage, une formation antérieure… À terme, je pense que le recours à la biométrie deviendra indispensable pour garantir l’identité de manière fiable.
Fondamentalement, oui, car l’éducation et la formation resteront toujours le principal moteur de développement, d’émancipation et d’intégration. Le diplôme est essentiel et le restera, notamment lorsqu’il s’agit d’intégrer des talents venants ou migrants vers d’autres pays. Dans un monde où les métiers évoluent à une vitesse folle — on parle aujourd’hui d’IA, hier de cybersécurité, avant-hier de blockchain — l’acquisition de nouvelles compétences est une nécessité absolue pour tous.
Cela dit, le besoin réel se déplace de plus en plus vers des certifications de compétences spécifiques plutôt que vers des diplômes généralistes.
C’est une évidence pour tout le monde, que ce soit pour recruter un technicien ou un expert dans un domaine précis.
Pourtant, et c’est là tout le paradoxe, cette transition est étonnamment lente. Je pensais que ce virage aurait été pris il y a déjà 10 ans, mais le marché, les recruteurs, tout le monde reste encore très attaché au modèle historique du diplôme.
Je pense que ce frein est lié à la puissance du marché de la formation et à son marketing. La valeur est tellement attachée à la marque des grandes institutions que cela ralentit l’évolution vers un système purement basé sur les compétences. Les sommes en jeu sont colossales, et cet écosystème a une forte inertie.
Pour conclure, je dirais que le maître mot pour l’avenir est l’attractivité. Dans ce marché mondial, on ne peut plus se reposer sur des lois ou des décrets. Que ce soit pour une école, une formation ou même une certification, sa valeur dépendra de sa capacité à être attractive pour les étudiants, pour les entreprises et pour le monde entier. C’est l’enjeu numéro un.