Dans un monde numérique en pleine mutation, certains affirment que l’accès à la formation demeure inégal. Alors que le numérique transforme les métiers et les compétences requises, il est toujours aussi urgent de colmater les fractures sociales et territoriales. Pourtant, d’après le Rapport sur l’usage des fonds de la formation professionnelle de France Compétences(1), en 2023, près de 55,3 milliards d’euros (Md€) ont été consacrés à la formation professionnelle continue et à l’apprentissage. A ce titre, les OPCO ont financé la formation de plus de 1,3 million de stagiaires au titre du plan de développement des compétences, près de 850 000 contrats d’apprentissage et 116 000 contrats de professionnalisation.
Concernant l’alternance, en 2023, 43 % des jeunes ayant signé un contrat d’apprentissage étaient issus de la voie scolaire, 6 % étaient demandeurs d’emploi et 31 % étaient déjà en apprentissage avant la signature de leur contrat. Les certifications préparées en apprentissage peuvent être des diplômes (67 % contre 70 % en 2022) ou des titres à finalité professionnelle (33 % contre 30 % en 2022) inscrits au RNCP et délivrés par différents types d’établissements publics ou privés.(2)
Ces efforts colossaux ne sont pas sans effet. Une étude de l’Afpa(3) montre l’impact social et économique très positif des formations pour l’emploi, notamment pour les demandeurs d’emploi en situation difficile, avec des chiffres précis sur les retombées économiques et sociales. Il apparait clairement que les personnes sans emploi bénéficiant d’une formation, trouvent à la fois plus vite et plus durablement un nouvel emploi, tout en se réinsérant socialement et générant ainsi davantage de cotisations et moins de prise en charge de l’Etat. Autre axe de travail retenu par les gouvernements successifs, le CPF (Compte Personnel de Formation). En 2023, plus de 1,3 million de CPF ont été validés pour un montant total de plus de 2 milliards d’euros. Conséquence positive directe : le CPF est aujourd’hui le premier moyen d’accéder à la formation pour les personnes en recherche d’emploi.
Ce n’est donc pas tant le contenu ou la pertinence de l’apprentissage et des formations qui poserait question, mais bien les difficultés résultantes de la numérisation des informations. On le constate de manière plus aiguë avec l’arrivée de l’IA générative qui creuse plus profondément les différences et la productivité entre collègues, entre services et entre les entreprises. Tous les experts des ressources humaines reconnaissent que la compétition s’oriente rapidement sur la capacité de chacun à s’adapter plus ou moins vite aux nouveaux usages numériques. Pourtant la digitalisation est une réelle opportunité pour rendre la formation tout au long de la vie, accessible et personnalisée. Grâce aux outils numériques, les formateurs peuvent créer des parcours sur-mesure, flexibles, accessibles à distance, qui favorisent l’autonomie des apprenants en formation initiale comme en formation continue. Et les outils, comme on pourra le lire dans la tribune consacrée au monde des Edtech, sont de plus en plus nombreux et performants.

Les Robots de Simone vous en présentent quelques-unes, issues des tendances actuelles et des projections expertisées :
• Intelligence artificielle (IA) : l’IA doit favoriser l’émergence de parcours de formation hyper-personnalisés, permettant ainsi de répondre aux besoins de chacun et d’offrir au formateur la possibilité d’un suivi tout aussi personnalisé. Si l’IA tient aujourd’hui une partie de sa promesse de personnalisation, notamment au travers de certaines solutions EdTech pionnières, nous ne sommes pas encore à l’ère de l’hyperpersonnalisation généralisée où les contenus s’adaptent en temps réel aux besoins, rythmes et lacunes de chaque apprenant. Néanmoins, les progrès rapides de la technologie laissent imaginer l’arrivée de solutions capables d’anticiper les difficultés et de proposer des réponses sur mesure.
• Réalité virtuelle et réalité augmentée : Si l’usage de ces technologies existe déjà depuis plusieurs années dans le monde de l’éducation et de la formation, elles devraient évoluer vers un usage plus répandu d’environnements immersifs d’apprentissage, où les stagiaires pourront pratiquer dans des contextes simulés très réalistes, renforçant la compréhension et l’engagement.
• Holographie : si le coût et la nécessité d’infrastructure adaptée ont freiné les débuts de l’holographie, elle offre, en situation d’apprentissage, une expérience immersive qui engage activement les apprenants, facilitant ainsi la compréhension et la mémorisation des contenus complexes grâce à une visualisation dynamique, tout en permettant de personnaliser les formations de manière interactive et sécurisée. Elle permet de visualiser des objets et des concepts en trois dimensions avec une grande précision, de participer à des sessions collectives comme si l’apprenant était physiquement présent, brisant les contraintes géographiques et améliorant grandement la compréhension et l’engagement.
• Exosquelettes : ces combinaisons technologiques piloteront les mouvements des apprenants dans les formations pratiques, comme en industrie ou santé, facilitant un apprentissage moteur extrêmement précis et naturel.
• Robots formateurs et assistants virtuels : ils accompagneront les apprenants pour les guider, corriger, motiver, apportant un appui pédagogique constant et intelligent, tout en préservant la part humaine essentielle.
• Blockchain pour la traçabilité des compétences : cette technologie garantira la transparence, la sécurisation et la reconnaissance irréversible des parcours et certifications, favorisant la mobilité et la confiance entre acteurs.
• Neurotechnologies : des dispositifs neurotechnologiques pourraient aider à gérer la concentration, le stress et la surcharge mentale des apprenants, optimisant ainsi leur bien-être durant la formation.
On le comprend, il faudra faire appel aux humains pour garantir à la fois la qualité des enseignements et un usage éthique et adapté aux objectifs pédagogiques des formations. Sans de sérieux garde-fous, le recours aux outils numériques pourra renforcer les inégalités, notamment parce que les compétences numériques feront partie dès demain des compétence clés, au même titre que certains savoir-faire traditionnels le sont aujourd’hui.
Répartition de la contribution Formation des entreprises par France Compétences

Pour les années à venir, il faudra donc imaginer une formation professionnelle davantage connectée aux enjeux numériques. Cela sera-t-il suffisant pour prévenir la précarisation liée à l’automatisation et à l’intelligence artificielle que tout le monde redoute ?
De nombreux organismes de formation ont déjà pris ce virage indispensable d’une participation active à la transformation écologique numérique, avec des formations orientées vers la durabilité et la responsabilité sociale. Les universités, sous l’impulsion du rapport Jouzel (2020), ont vite réagi et proposent de multiples parcours, diplômants ou non, vers cette double transition. Les besoins des entreprises en la matière sont immenses et des centaines de milliers d’emplois sont à pourvoir chaque année pour accompagner l’évolution de notre économie. Plusieurs projets soutenus par France 2030 vont en ce sens, comme par exemple :
Naturellement, il appartient aux responsables de formation de notre pays, de fixer les règles du jeu, et de réguler le marché de la formation professionnelle, sans mettre en danger les investissements massifs qu’ils entreprennent pour réduire la fracture numérique.
Nous avons besoin d’une politique publique claire face au défi de la transformation numérique inclusive, avec pour priorité la mise en place de dispositifs qui conjuguent innovation numérique et accompagnement social humain et collectif. Mais comment poursuivre une trajectoire exigeante en matière de financement public alors que les débats sur la dette publique enflamment les opinions et mettent en péril nos démocraties ?
L’avenir de la formation professionnelle en France repose sur sa capacité à conjuguer inclusion sociale et transformation numérique. Agir dès aujourd’hui pour bâtir une formation professionnelle numérique, inclusive et solidaire est un défi démocratique majeur.