Publié le 14/10/2025

Un article écrit par
Simone et les Robots

« Le gouvernement français s’attache, depuis plusieurs mois, à mettre en place les bases d’une politique nationale d’ouverture et de réutilisation des données publiques. Les fondations juridiques ont été posées avec la transcription en droit national et la mise en œuvre de la directive PSI (public secteur information) autorisant la réutilisation des données publiques. La Commission européenne a depuis septembre 2010 entrepris un réexamen de cette directive afin d’élargir son champ d’application. Le grand chantier actuel de la France est la mission Etalab qui consiste en le développement d’un portail unique des données publiques. Cette mission devrait aboutir à la future plateforme open data de l’Etat, «data.gouv.fr». »

La France s’est dotée pour la première fois en 2018, d’un plan national pour la science ouverte. Ce plan a été mis à jour en 2021, avec le lancement d’un deuxième plan. S’en est suivi la création du comité pour la science ouverte, organe de gouvernance du plan. Un fonds national pour la science ouverte a également été créé, afin d’apporter un soutien financier aux projets et aux initiatives visant à développer la science ouverte. On constate alors que depuis 2018, l’accès ouvert aux publications a progressé, passant de 38% à 65%. (1)

Faut-il en conclure que cet accès à des données de qualité a accéléré l’innovation en France ?

La France compte en 2025 1 000 start-ups dans l’intelligence artificielle (contre 502 en 2021). Elles ont levé 1,4 milliard d’euros en 2024 (contre 556 millions d’euros en 2018). D’autre part, le nombre de licornes a fortement augmenté en France passant à 29 au total en 2023, dont 16 avec une proposition de valeur centrée sur l’IA. Ces éléments factuels donnent une partie de la réponse. Car chaque acteur économique qui s’installe sur le sol français, devenu « terre d’accueil des entreprises de la tech », se réfère en premier lieu aux talents qu’il pense y trouver. Un hommage indirect mais bien souvent entendu, à la qualité de la formation des étudiants et aux chercheurs de haut niveau que notre pays produit sans faiblir.

Aujourd’hui la France tient son rang de Nation innovante et, symbole de son attractivité retrouvée, est devenue une « start-up nation », terme légèrement galvaudé qui reflète néanmoins un dynamisme réel dans la création d’entreprises technologiques, ainsi que le secteur Edtech le démontre.

Mais comment sommes-nous redevenus un pays stimulant pour les jeunes talents innovants ?

La première recommandation d’un rapport ministériel de 2013 sur l’évolution de l’innovation en France portait déjà sur la pédagogie. Il faut « réviser les méthodes pédagogiques de l’enseignement primaire et secondaire pour développer les initiatives innovantes ». En effet, l’étude conduite révèlait que « la France est mal classée tant en Europe que dans le monde sur les sujets de la prise de risque et de la créativité ». Ainsi les rapporteurs précisent que « les méthodes pédagogiques doivent valoriser la prise de risque et d’initiatives, notamment au travers de démarches projet, seul et en groupe, et de démarches expérimentales. »

Il y a bien eu une prise de conscience que l’innovation est une culture et que le meilleur moyen de la favoriser est de transformer notre système éducatif pour y instaurer le goût d’entreprendre. Pour rappel, notre pays partait de loin puisqu’en 2010, très peu de jeunes étaient initiés à la création d’entreprise. Par exemple, on notait 12 000 jeunes impliqués dans 700 mini-entreprises en 2010-2011 en France. 3,1 millions de jeunes suivaient, quant à eux, ce programme en Europe en

2009-2010, et 10 millions dans le monde, avec un impact prouvé sur l’entrepreneuriat (2).

Il y avait donc urgence à réformer. Innover étant une question d’éducation, l’éducation se devait d’être innovante, en premier lieu. Dès lors, transformer les modèles pédagogiques via la technologie est apparu comme une nécessité et une obligation pour l’enseignement supérieur. Un phénomène qui a connu une vive accélération avec la crise du covid-19, obligeant tout le monde à se

« digitaliser ». Depuis, les établissements d’enseignement supérieur ont mené de nombreux projets, stimulés par le programme France 2030. Parallèlement, le secteur de la EdTech s’est révélé être également un excellent contributeur de l’innovation.

Aujourd’hui, dans bien des universités, comme dans toutes les écoles de commerce et d’ingénieurs, il existe des parcours valorisant les compétences de l’entreprenariat.

Les données comme levier d’innovation pédagogique

Ainsi, depuis quelques d’années, les données ont permis d’alimenter et d’orienter les transformations profondes des pratiques pédagogiques. Elles ont contribué à renouveler les contenus, les méthodes, et la conduite du changement dans les établissements, en tenant compte notamment de la diversité des profils étudiants et des évolutions sociétales.

Ces données sont partie intégrante des dispositifs pédagogiques numériques innovants, soutenus par des collaborations avec des acteurs EdTech. Celles-ci développent des outils adaptés, comme des environnements interactifs, des usages spécifiques de l’intelligence artificielle générative, ou encore des scénarios d’apprentissage personnalisés. Ces outils facilitent la mise en place d’activités pédagogiques renforçant la créativité, l’esprit critique, la communication et la collaboration, autant de compétences clés du 21e siècle.

Quelques exemples d’usage des données pour améliorer la pédagogie

Les données d’observation qui sont utilisées pour ajuster l’enseignement

Dans cet usage, les enseignants recueillent en continu des données d’observation sur les apprentissages essentiels (ex. fluidité en lecture, compréhension). Ces données sont ensuite analysées pour identifier les élèves en difficulté et orienter les actions pédagogiques ciblées comme la remédiation par groupes différenciés ou le suivi individualisé.

Le regroupement et l’analyse des résultats qui permettent d’orienter les choix pédagogiques

Dans ce cas, les données d’évaluation formative et sommative sont consolidées au niveau de la classe ou de l’établissement pour détecter les tendances, évaluer l’efficacité des méthodes, et ajuster les contenus ou modes d’enseignement. Dans certaines universités anglo-saxonnes, l’analyse des évaluations massives et régulières permet d’identifier les parcours pédagogiques ou les cours nécessitant d’être revus ou repensés, avec pour objectif d’améliorer globalement la réussite étudiante.

Ainsi par exemple, on peut citer quelques usages pour lesquels l’analyse des données est utile :

Les commentaires vidéo sur les devoirs en marketing :

Une enseignante en marketing à l’Université de Chichester enregistre des commentaires vidéo détaillés sur des dissertations d’années précédentes, mettant en lumière les forces et faiblesses. Les étudiants accèdent ainsi à une meilleure compréhension des critères de notation, ce qui améliore significativement la qualité des travaux.

Les capsules pédagogiques pour la formation continue :

L’Université de Rennes propose un catalogue de capsules pédagogiques : ressources vidéo courtes et thématiques destinées à l’autoformation et à l’acculturation pédagogique. Ces capsules favorisent la diffusion et l’appropriation de bonnes pratiques innovantes chez les enseignants-chercheurs.

L’apprentissage par problèmes et scénarios interactifs :

Des universités intègrent des jeux pédagogiques et des simulations basés sur des données réelles pour enseigner des disciplines complexes, favorisant la mise en pratique et l’analyse critique. Par exemple, une escape classroom à l’IMT de Lille enseigne l’optimisation combinatoire via un jeu de rôle.

Comment l’écosystème des Edtech s’est-il emparé de ces données ?

Aujourd’hui, l’écosystème des EdTech s’est développé en utilisant les données disponibles comme levier majeur pour renouveler les outils à disposition de l’enseignement supérieur. Ces technologies innovantes, allant des plateformes d’apprentissage adaptatif aux outils d’évaluation intelligente, misent sur l’exploitation fine et continue de données issues des pratiques pédagogiques, des parcours des étudiants, et des résultats scientifiques. Pour autant, ces acteurs technologiques sont avant tout portés par la volonté d’améliorer la personnalisation, l’inclusion et l’efficacité des formations. C’est là l’ambition affirmée, par exemple, de Wooclap ou encore de Nolej, que nous avons interrogés sur ce sujet.

Par ailleurs, les EdTech utilisent des jeux de données ouverts liées à l’enseignement et la recherche dans des plateformes collaboratives, pour permettre aux enseignants et étudiants de travailler sur des données réelles, de développer des compétences en traitement et analyse de données, et de promouvoir la transversalité et l’esprit critique (par exemple Inokufu solution française)

En somme, les données permettent à ces nouveaux acteurs de l’enseignement supérieur de présenter des preuves. Des preuves de l’efficacité effective des solutions numériques qu’ils proposent pour améliorer l’expérience des uns et des autres, mais également des preuves de l’impact sur les progrès réalisés tant sur le plan de l’acquisition des connaissances que sur leur accessibilité pour tous.

Demain, l’enseignement supérieur dans sa globalité produira davantage de données encore, pour nourrir des modèles d’intelligence artificielle inconnus à ce jour, mais aussi pour poursuivre son évolution et accompagner vers la connaissance les futures générations.

Gageons que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche seront les garants de leur qualité et les premiers défenseurs de l’éthique indispensable à leur impact positif sur nos sociétés.

Publié le 14/10/2025

Un article écrit par
Simone et les Robots