Le monde de l’apprentissage a connu de profonds bouleversements au cours ces dernières années. Après avoir été considérablement chamboulé par le législateur en 2018, libéralisant l’accès à l’apprentissage, de nouvelles dispositions sont mises en place avec pour effet rapide de diminuer le nombre de nouveaux contrats signés, en particulier dans l’enseignement supérieur. De cette hyper croissance ayant débouché sur le triplement des effectifs en moins de cinq ans, à la prise de conscience qu’un excès de libéralisation favorisait l’émergence de centres de formation de qualité parfois discutable, la qualité de la pédagogie devient un enjeu majeur. Alors que dire des évolutions technologiques et de leur impact grandissant sur la formation et sa qualité comme sur les usages des apprenants et des formateurs ?
Plusieurs problématiques pour le futur émergent et méritent ainsi d’être exposées et sans doute débattues. Ainsi, les CFA connaissent des enjeux majeurs de rationalisation des coûts et de qualité, principalement liés aux exigences réglementaires, à la montée en puissance des contrôles et à l’évolution des niveaux de prise en charge des contrats (NPEC). Dans des temps difficiles pour les finances publiques, l’enjeu de rationalisation des coûts devient prégnant. La prise en charge des coûts des contrats d’apprentissage a fait l’objet de baisses en 2022 et 2023 pour mieux aligner le financement sur les coûts réels constatés, avec une diminution moyenne d’environ 5% à 10% selon les formations. Ces réductions visent à maîtriser les dépenses publiques dans un contexte de contribution importante de l’État au financement.
Des économies supplémentaires sont encore envisagées, dans la limite du maintien de la viabilité financière des centres de formation d’apprentis (CFA). La réforme mise en œuvre en 2025 prévoit désormais un financement au plus juste, basé sur la durée réelle du contrat d’apprentissage (proratisation journalière), et introduit une participation financière obligatoire pour les employeurs des apprentis de niveau bac+3 et plus. Ces mesures reflètent une volonté de responsabilisation financière accrue des acteurs tout en respectant les contraintes budgétaires publiques.
L’autre enjeu majeur qui suscite beaucoup de débats critiques envers les organismes de formation est celui de la qualité. D’ailleurs la qualité de la formation professionnelle est encadrée par plusieurs dispositifs réglementaires, notamment la certification Qualiopi qui est obligatoire pour les organismes concourant au développement des compétences.
Cette certification vise à garantir la qualité interne (processus de formation) et externe (satisfaction des bénéficiaires et impact) des formations.
La qualité est également liée à la pertinence des formations proposées au regard des besoins réels du marché de l’emploi, notamment en priorisant les formations aux métiers dits en tension ou d’avenir.
Ce lien qualité-coût est au cœur des réformes qui cherchent à aligner financement et efficacité des parcours d’apprentissage. Les acteurs de la formation sont soumis à des contrôles accrus et à des mécanismes de transparence pour renforcer l’efficacité du système, incluant la possibilité pour les opérateurs de compétences (OPCO) de suspendre la prise en charge des formations en cas de dysfonctionnements.
La question du numérique se pose alors avec acuité. Que vont changer les récentes innovations technologiques et comment pouvons-nous adapter nos parcours de formation ?
Il faut toujours avoir en tête que notre objectif prioritaire et principal est celui de l’employabilité des apprenants. On a beau dire que les métiers de demain seront indispensables, il n’en demeure pas moins que nous devons former des publics dont les choix d’orientation sont encore guidés par les métiers actuels. Si l’on prend l’exemple de la rénovation énergétique, enjeu majeur afin de tenir nos engagements de réduction des émissions de CO2, voilà des formations qui ont été récemment développées et pour lesquelles nous n’avons pas de candidats. A l’inverse nous avons des demandes énormes pour les formations en marketing et en communication, alors que l’insertion professionnelle ne sera pas systématiquement au rendez-vous.
Est-ce là une conséquence de l’Intelligence Artificielle générative, ou plus simplement d’une appétence irrationnelle pour des métiers aux débouchés désormais limités ? Certes, certains métiers sont mis en difficulté par l’IA, comme dans le domaine de la comptabilité par exemple, mais d’autres comme les métiers de la restauration, de l’informatique ou de la santé sont en forte tension et ne subissent pas les effets du numérique.
Le numérique est une opportunité pour la formation, l’éducation ou l’apprentissage. Notre mission, en tant que structure consulaire est de créer le lien entre l’apprenant, l’entreprise et l’organisme de formation. Nous développons à cet effet des plateformes numériques qui assurent en permanence, cette mise en relation et ce travail collaboratif.
Il nous faut également intégrer les outils numériques pour la production de contenus pédagogiques, pour adapter, voire personnaliser, les formations au plus près des besoins, soit des apprenants, soit des entreprises.
Nous avons par ailleurs, grâce à l’IA, la possibilité d’adapter le rythme des apprentissages, rendant plus profonde la compréhension et la mémorisation des connaissances. Finalement, nous travaillons sans cesse à l’amélioration, la justesse des évaluations.
Aujourd’hui, les référentiels reposent sur les compétences professionnelles, puisque nombre de formations débouche sur une certification inscrite au RNCP – Répertoire national de la certification professionnelle, avec une reconnaissance de l’État.
Les outils numériques sont ancrés dans le quotidien des formateurs.
Pour autant, nous devons continuellement former les formateurs, comme pour l’IA générative par exemple. La maitrise des outils numériques qui fleurissent dans notre domaine chaque année est un défi pour les organismes de formation. C’est aussi et peut-être de manière plus signifiante, une opportunité de progrès dans la qualité des formations délivrées.
Si nous analysons, par exemple, l’impact de l’intelligence artificielle (IA), et la prise en compte du référentiel de compétences, croisant les activités en CFA et en entreprise afin de renforcer l’acquisition des compétences avec le métier cible, les perspectives offertes pour améliorer la qualité des formations en apprentissage en France, sont importantes :
• L’IA peut automatiser l’évaluation en cours de parcours via des quiz interactifs ou des analyseurs de réponses écrites, permettant aux formateurs de se concentrer davantage sur l’accompagnement individuel et la pédagogie active. Cela optimise l’efficacité et la réactivité dans le suivi des apprentis.
• Grâce à l’IA, il est possible de créer des environnements virtuels réalistes et des simulations métiers, offrant aux apprentis des mises en situation concrètes, sécurisées, et répétables, ce qui facilite le transfert des compétences en entreprise.
• Des assistants virtuels basés sur l’IA peuvent fournir un soutien immédiat aux apprentis, répondre à leurs questions, les guider dans leurs parcours, et même détecter des signes de décrochage ou difficulté, ce qui renforce l’accompagnement et la réussite.
Tout cela n’est possible que si nous formons les formateurs.
Il nous appartient de veiller à la montée en compétences de nos formateurs, à la qualité de l’acte de formation et à son adaptation aux attentes des entreprises et des apprenants.
Ainsi nos missions évoluent à mesure que les usages sont impactés par la technologie. Nous devons garantir la montée en compétence des formateurs, adapter sans cesse les parcours de formation, mais aussi accompagner socialement les apprentis. Trouver le bon contrat, avec la bonne entreprise et pour laquelle les motivations et les compétences de l’apprenti seront à la fois durables et efficaces.
Corriger, adapter, personnaliser à chaque étape, pour chaque nouvelle compétence à acquérir, constituent le socle indispensable à la qualité des formations de demain et donc à l’employabilité de la jeunesse.