De l’importance de la mission sociale de l’université durant la crise

Les universités françaises avaient-elles réellement besoin d’une telle crise pour réinventer leur modèle de transmission des connaissances ? Ont-elles attendues d’être dans la tempête pour intégrer les dernières technologies en matière de e-learning ? On sera d’abord tenté de répondre à cette double question par la négative, tant il est certain que les innovations en matière de pédagogie et le sens de l’équité sont des moteurs permanents pour notre système d’enseignement supérieur public. Pour autant, il faut se rendre à l’évidence que la crise du covid-19 a eu un effet accélérateur sur la généralisation du recours aux plateformes d’enseignement à distance et aux évaluations en ligne. Rien ne sera plus comme avant, et à n’en pas douter, les outils permettant de prodiguer les formations dans un format hybride ont un bel avenir.

Mais revenons dans un premier temps sur les performances tout à fait remarquables des universités françaises dans ce contexte en soulignant, d’une part leur agilité (une qualité que l’on ne leur attribue pas si souvent) et leur appétence pour les dernières technologies d’autre part. Les actions mises en place et les résultats obtenus soulignent le dynamisme des 68 universités réparties sur notre territoire. Rappelons qu’elles accueillent près de 1,7 millions d’étudiants chaque année, un chiffre en constante augmentation depuis plus de vingt ans. Les enjeux qui se sont présentés à elles dans cette situation inédite ont été divers et ont nécessité une forte et intense mobilisation des personnels, des enseignants, mais aussi des DSI. Tous ont œuvrés au profit des étudiants, dans l’urgence, pour résoudre des problèmes organisationnels, logistiques et matériels mais avec une grande sérénité en ce qui concerne la continuité pédagogique. Le déploiement de solutions dans le respect des intérêts de tous, aura été assuré sans incidence sur la qualité des enseignements diffusés et, dans la très grande majorité des cas, dès la 1e semaine de confinement. Une réelle performance qui mérite d’être saluée et qui invite à en savoir davantage sur les techniques déployées mais aussi sur la vision de l’évolution de la mission sociale de l’université.

Comme le rapporte un récent article publié dans Asian Journal of Distance Education[1], « avec la forte incertitude qui caractérise cette période pour l’humanité et le niveau très élevé de stress et d’angoisse qui se sont emparés des étudiants, des enseignants mais aussi des parents, la pédagogie du « care » a fait son chemin dans les établissements d’enseignement supérieur. Prendre en charge, veiller à la santé et au bien-être de tous, assurer l’accès aux informations, sont devenus des enjeux essentiels qui continueront à modifier les pratiques bien au-delà de cette crise du covid-19 ».

Ainsi par exemple, l’université de Toulon avait déjà, dès l’an dernier, axé sa stratégie d’établissement sur la « politique de l’humain » en investissant massivement dans la mise en place de services médicaux et sociaux à destination de ses étudiants. Un investissement qui a revêti une importance toute particulière en cette période de crise, comme en témoigne Michel Langevin, vice-président délégué à la vie étudiante de l’université, dans un épisode de la série #Univ4Good. « Nous avons créé un centre de santé et recruté une psychologue pour permettre aux étudiants de consulter directement sur le campus. Et nous avons mobilisé 150 000 euros pour aider nos étudiants en difficulté durant cette crise », nous déclarait Michel Langevin.

Or il a été reconnu récemment que l’un des facteurs clés de la pédagogie bienveillante résidait dans la capacité de l’établissement à écouter puis à engager un dialogue ouvert et authentique avec les étudiants, particulièrement avec ceux qui se débattaient déjà avant la crise dans certaines inégalités d’accès aux informations et aux cours, accentuées parfois par le recours aux outils numériques. Ainsi, dès le début de la crise et la fermeture des campus universitaires, les universités françaises se sont mobilisées pour repérer les étudiants en situation de fracture numérique. Une récente étude menée auprès des universités françaises révèle qu’en moyenne 2% des étudiants sont en situation de fracture numérique, ne possédant pas d’ordinateur et/ou ne disposant pas d’une connexion internet suffisante pour suivre les cours.

Les universités face à la crise: Fracture numérique

C’est dans ce contexte que l’université Paul-Valéry Montpellier 3, comme plusieurs autres universités du territoire, a porté une attention particulière à ses étudiants. François Perea, Vice-Président Numérique de l’université Paul-Valéry, explique que l’administration « a souhaité prendre contact avec tous les étudiants dès le début de la crise, en envoyant des campagnes de sms, mais aussi des courriels, des sondages sur internet, afin de pouvoir les repérer, identifier leurs difficultés et finalement les appeler un par un pour trouver des solutions, leur permettre de se connecter, d’accéder aux cours mis en ligne par les enseignants et plus tard réaliser leurs examens ».

Si cette bienveillance a eu des effets positifs sur le plan social, le changement brutal de méthodes d’enseignement a-t-il été anticipé par les enseignants et par les étudiants ? Étaient-ils prêts à utiliser les nouveaux outils ? Comment ont-ils vécu cette transition numérique et que pouvons-nous en déduire pour le futur ?

Vous en saurez plus dans le prochain article de cette série consacrée à la façon dont les universités ont géré cette crise sanitaire au cours de l’année universitaire 2019-2020 intitulé “De la continuité pédagogique à l’hybridation des enseignements : réflexions sur l’avenir de l’université”

Note: La version intégrale de cet article est publiée sur le site d’ExLibris Campus M


[1]Bozkurt et al., (2020), « A global outlook to the interruption of education due to COVID-19 Pandemic: Navigating in a time of uncertainty and crisis », Vol. 15 (1).