Pourquoi le décrochage à l’université est-il encore perçu comme un enjeu majeur ? Pourquoi est-il si souvent associé à l’échec ? N’est-il pas plus largement lié aux ruptures de parcours, reflétant des difficultés d’adaptation au système universitaire et des inégalités structurelles persistantes ?
Des questions que se posent les robots, toujours soucieux de la réussite dans les études supérieures. Suivez-les pour en savoir davantage sur ce sujet brûlant.
Rappelons en préambule que la nécessité de lutter contre le décrochage fait l’objet d’un large consensus parmi les acteurs politiques et universitaires. C’est davantage la manière de présenter le problème dans le débat public qui interpelle en mélangeant souvent l’abandon définitif des études, la réorientation et l’interruption provisoire.
Contrairement à la « théâtralisation du drame de l’échec », la proportion d’étudiants quittant l’université avant l’obtention du diplôme préparé et ne se réinscrivant dans aucune formation l’année suivante est assez faible au regard de l’ensemble des inscrits (5,1% dans l’étude menée en région Aquitaine en 2016[1]). L’ampleur du problème est ainsi relativisée par certaines données quantitatives. Il semble que sortir de l’université ne signifie pas toujours abandonner ses études, pour une jeunesse adepte de parcours moins linéaires et définitifs que ses parents ou grands-parents.
Alors comment expliquer ce décrochage, toujours aussi anxiogène, bien qu’en baisse sensible tant en Europe qu’en France, depuis les années 80 90 ? (on exclura la période Covid-19 qui a créé un véritable traumatisme dans la population étudiante).
Plusieurs facteurs explicatifs du décrochage et des difficultés en première année universitaire ont été identifiés par les chercheurs et les études gouvernementales :
Ce que montrent plusieurs travaux de recherche[2], c’est précisément que le décrochage n’est pas un phénomène limité à la première année ou aux premiers mois à l’université. Bien que le risque de sortie anticipée soit le plus élevé en première année de Licence (L1), la première année de Master (M1) représente également un risque élevé de sortie précoce. Ainsi, la sortie sans diplôme est un processus qui s’étale de la Licence au Master. Les motivations de ces sorties prématurées étant de plus en plus diverses, et pas seulement résultantes des échecs aux examens.
Par exemple, il est important de noter que quitter l’université ne signifie pas toujours la fin des études. Beaucoup d’étudiants se réorientent vers d’autres formations, y compris dans des établissements sélectifs (écoles, BTS, etc.). Pour certains, être à l’université peut même être une stratégie d’attente ou un moyen de se libérer de contraintes sociales.
Les universités, conscientes de ces enjeux, mettent en place des dispositifs pour favoriser l’intégration et la réussite en premier cycle, comme le mentorat ou les aides financières. Cependant, les étudiants les plus en difficulté, comme les non-admis passifs, sont ceux qui y recourent le moins. L’efficacité des dispositifs de lutte contre le décrochage est souvent mesurée par la diminution du taux d’échec aux examens de première année, mais cela ne prend pas toujours en compte les réorientations bénéfiques ou le caractère processuel du décrochage qui s’étend au-delà de la L1.
Principales initiatives menées par les universités :
Accompagnement individualisé et tutorat
Actions de soutien pédagogique et méthodologique
Programmes de réorientation
Soutien à l’enseignement à distance et lutte contre l’isolement
Appels à projets et financements dédiés
Actions spécifiques pour les publics vulnérables
Exemples concrets d’initiatives universitaires :
Université / Organisme | Initiative principale | Objectif / Action |
---|---|---|
UCLouvain | Student buddy program, entretiens de réorientation |
Maintien du lien, mentorat, réorientation rapide |
Université de Montpellier | Certification C3R | Accompagnement à la réorientation, valorisation du nouveau projet d’études |
Région Île-de-France (FSE+) | Appel à projets lutte contre le décrochage | Financement d’accompagnement individualisé, tutorat, remise à niveau, etc. |
Ces dispositifs, souvent complémentaires, s’inscrivent dans une stratégie globale qui vise à prévenir, intervenir et remédier au décrochage à chaque étape du parcours universitaire. L’accent est mis sur la détection précoce des signes de décrochage, l’accompagnement personnalisé, la valorisation des parcours de réorientation et le maintien du lien social et académique.
En conclusion, les enjeux du décrochage scolaire et universitaire en France sont multiples. Pour ce qui concerne les établissements du supérieur et en particulier les universités, ils ne peuvent se limiter à un abandon massif et soudain en début de L1, mais se retrouvent dans un processus plus large. Ils impliquent notamment de considérer les fortes inégalités sociales qui persistent, d’adapter les dispositifs d’accompagnement aux besoins variés des étudiants à différents niveaux de leur parcours, et de prendre en compte le fait que de nombreux étudiants se réorientent plutôt que d’abandonner définitivement.
Or, le décrochage est également lié à la question plus sociétale de l’insertion des jeunes et des compétences nécessaires pour éviter de tomber dans la catégorie des NEET. Dès lors, il faut peut-être considérer l’université comme un passage vers le savoir, comme une étape dans le parcours de cette jeunesse plongée dans un monde en transition. Qu’elle s’y révèle y compris en rêvant d’autre chose ou qu’elle se pare de diplômes reconnus sur le marché du travail, l’essentiel est qu’elle progresse vers la connaissance.
Accompagner ce passage est certainement tout sauf un échec.
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[1] https://shs.hal.science/halshs-04628088/document
[2] Des chiffres qui sont similaires à ceux enregistrés par l’étude 2023 de l’université de Lille, constatant que 4,7% des étudiants sortant en L1 ne reprennent pas leurs études – ce qui peut être une autre définition du décrochage universitaire : https://newsroom.univ-lille.fr/actualite/decrochage-a-luniversite-de-lille-premiers-enseignements
[3] https://www.cereq.fr/sites/default/files/2021-10/Bref413-web.pdf