Depuis 15 ans, les politiques nationales menées pour réduire les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur en France, ont obtenu de réels résultats. Encourageant ? Suffisant ? En cours d’amélioration ? S’il ne nous appartient pas de juger de la situation actuelle, nous souhaitons ouvrir ce sujet par un constat général : il y a des progrès !

Ainsi par exemple, près de 40 000 étudiants en situation de handicap suivent aujourd’hui une formation d’enseignement supérieur à l’université, en école ou en lycée. Ce qui correspond à une hausse de 30% des effectifs en 5 ans (chiffres de fin 2021) tandis que ce nombre a été multiplié par 5 depuis la loi de 2005 et par 2,5 depuis la charte université-handicap de 2012.

Mais l’inclusion n’est pas uniquement l’accès des personnes en situation de handicap. Elle touche aussi la situation sociale de l’étudiant, son appartenance à une minorité, ethnique, culturelle, ou d’orientation sexuelle, et parfois aussi géographique. De plus certains étudiants se trouvent confrontés à d’autres difficultés graves comme la discrimination, l’exclusion sociale, le harcèlement ou encore le manque de ressources et peuvent, en conséquence, être désavantagés dans leur parcours académique.

Inclusion enseignement supérieur

En France, sous l’impulsion du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le comité national de suivi de l’université inclusive, veille à ce que l’ensemble des acteurs apporte des réponses à l’accessibilité des formations, de la vie étudiante dans toutes ses dimensions, des environnements numériques, des contenus et mesures de compensation (aide humaine, aide technique et aménagements des examens).

Au niveau européen, rappelons que la Commission Européenne présente des recommandations à ses 27 membres et notamment, souligne que « l’enseignement supérieur doit contribuer à relever les défis sociaux et démocratiques de l’Europe ». Trois axes majeurs sont identifiés pour parvenir à une harmonisation globale des parcours :

  • envisager de manière globale les modalités d’admission, d’enseignement et d’évaluation;
  • prendre des mesures pour assurer le tutorat des étudiants;
  • fournir un soutien tant universitaire qu’extra-universitaire.

Naturellement on évoque ici l’inclusion au sens large, visant une égalité de chances qui semble encore lointaine pour certaines populations. L’étude EUROSTUDENT réalisée sur 2018-2021 au niveau européen, indique que 15% des étudiants souffrent d’une « déficience physique ou psychologique » et que 15% de la population étudiante est issue de l’immigration. Répondre à une meilleure intégration de ces deux minorités et leur garantir un accès et un résultat équivalent reste un enjeu essentiel, y compris lorsque les disparités entre pays sont sensibles.

En France, une enquête de OVE (observatoire de la Vie Etudiante), révélait en 2016, que presque 20% des étudiants déclaraient avoir été « moins bien traités » que leurs pairs au sein des universités. Un pourcentage qui atteignait même 28% lorsqu’on interrogeait des étudiants dont les deux parents étaient immigrés et 30% lorsque l’étudiant était de nationalité étrangère. A noter aussi que les femmes se déclaraient moins bien traitées pour 19% d’entre elles contre 17% seulement pour les hommes. Or parmi les étudiants qui s’estimaient moins bien traités, l’expérience étudiante revenait largement dans les préoccupations puisque 14% ne se sentaient « pas du tout intégrés à leur groupe ou classe », tandis que 21% avaient le sentiment n’étaient « pas du tout intégrés à la vie de l’établissement ».

Il est important de constater que seul un étudiant sur 8 parvient à identifier la cause de son « mauvais traitement » en regard des autres, et le handicap ou le sexe ne sont pas tant mis en avant. Au contraire de l’origine ou la nationalité qui semblent bien plus significatives lorsqu’il s’agit d’expliquer une différence dans l’acceptation par le système. L’étude soulignait enfin, pour celles et ceux qui ne trouvaient pas forcément une explication primaire à leur sentiment, que les attitudes et comportements sociaux, qu’il s’agisse de politesse, d’aisance sociale, de conformisme vestimentaire ou de pratiques sportives ou culturelles, étaient également une source de discrimination.

Si reconnaitre que la situation n’est pas optimale est une avancée, inclure c’est prendre en compte et respecter la diversité, mais c’est surtout y répondre.

Alors quelles sont les principales idées pour améliorer l’inclusion des étudiants dans leur parcours d’étude ?

La diversité est ainsi définie par deux chercheuses de l’Université Laval du Québec, Sheryl Burgstalhler et Rebecca Cory :

« Elle implique la variété des marqueurs identitaires des individus et des groupes. Elle renvoie aussi aux attitudes, modes d’expressions, expériences et besoins qui naissent de ces différentes caractéristiques :  aptitudes à communiquer, culture, état civil, capacité d’être présent en classe, capacités d’apprentissage, intelligence, champs d’intérêt, capacités cognitives, valeurs, habiletés sociales, soutien familial, styles d’apprentissage, âge, statut socio-économique, croyances religieuses, orientation sexuelle, ethnicité, capacités physiques et sensorielles, groupe ethnique, sexe. »

Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les apprenants de tous niveaux et qui caractérisent cette diversité ?

  • Handicap physique : Les personnes atteintes d’un handicap physique peuvent rencontrer des obstacles physiques pour accéder aux bâtiments universitaires, aux installations et aux ressources.

  • Handicap sensoriel : Les personnes atteintes d’un handicap sensoriel, comme la cécité ou la surdité, peuvent rencontrer des obstacles pour accéder aux informations et aux ressources de l’université.

  • Problèmes socio-économiques : Les étudiants issus de milieux socio-économiques défavorisés peuvent avoir des difficultés à accéder à l’éducation supérieure en raison des coûts élevés des frais de scolarité, des livres et des autres frais liés à l’inscription à l’université.

  • Discrimination : Les minorités ethniques et culturelles peuvent faire face à la discrimination et à l’exclusion dans l’accès à l’éducation et dans leur expérience étudiante.

  • Accès limité aux ressources : Certains étudiants peuvent avoir des difficultés à accéder aux ressources et aux soutiens nécessaires pour réussir académiquement, tels que des tuteurs, des mentors, des conseillers en orientation professionnelle, des bourses d’études et des services de santé mentale.

  • Barrières linguistiques : Les étudiants dont la langue maternelle n’est pas la langue d’enseignement de l’université peuvent rencontrer des obstacles pour comprendre et communiquer efficacement dans l’environnement universitaire.

Leurs travaux de Sheryl Burgstalhler et Rebecca Cory sont repris dans la Conception Universelle de l’Apprentissage qui propose trois grands principes pour augmenter l’inclusion, basés sur la variété des moyens de représentation, d’action et d’expression mais aussi d’engagement.

En quelque sorte, la multiplication des modalités de présentation, d’expression et d’évaluation que permettent aujourd’hui les outils et les plateformes numériques devraient contribuer largement à l’amélioration de la situation. Encore faut-il que le numérique ne soit pas un nouveau facteur aggravant pour l’iniquité d’accès à la connaissance.

La Edtech numérique comme facteur d’inclusion ?

Les EdTech françaises travaillent dans cette direction, et si toutes ont en tête les difficultés vécues par certaines populations étudiantes, quelques unes ont fait de l’inclusion leur sujet phare. Ainsi par exemple, Cantoo qui adresse les jeunes souffrant des troubles du langage écrit (dyslexie, dysorthographie et dysgraphie) ou Colori, qui accompagne les enfants pour mieux comprendre le numérique sans recours à l’écran en s’adressant en particulier aux QPV (quartiers prioritaires de la politique de la ville) et aux filles. Des initiatives soutenues par la Banque du Territoire, comme c’est aussi le cas pour My Future, qui aide les jeunes issus de milieux défavorisés à trouver des stages tout au long de leur parcours d’apprentissage.

Qu’en est-il pour les personnels de l’enseignement supérieur ?

Pour autant, il serait réducteur de traiter de l’inclusion, en se limitant à la population étudiante. Le sujet est également prégnant au sein des établissements d’enseignement supérieur. Les personnels du monde éducatif se sentent-ils parfaitement intégrés dans le respect de leur diversité ?

Les chiffres récemment publiés dans un article de EdTech Actu montrent qu’il reste beaucoup à faire sur ce sujet, même si la situation évolue positivement depuis la loi de 2005. Ainsi par exemple, on notera qu’en 2020, « l’enseignement supérieur affichait un taux moyen de 3,5 % de personnels bénéficiaires de l’obligation d’emploi (BOE), à savoir porteurs d’un handicap déclaré, contre au moins 6 % d’effectifs imposés à chaque administration par la loi. » Il y a de fortes disparités d’un établissement à l’autre, alors même que depuis 2005 un correspondant handicap a été nommé dans chaque université française. Lorsqu’on prend l’avis de Cyril Garnier, premier vice-président à la FNCAS (Fédération nationale pour la responsabilité sociétale & Conseil en action sociale – enseignement supérieur, recherche), enseignant-chercheur de l’UPHF (Université Polytechnique des Hauts de France), celui-ci déclare :

« On est au-delà de la simple sensibilisation, dans un réel investissement des établissements vis-à-vis du handicap. Cela fait partie de plus en plus de la stratégie de gouvernance, car participant de leur attractivité directe. »

D’ailleurs, dans un livre intitulé « l’envers de l’école inclusive » sorti en novembre 2022, Magalie Jeancler, professeure des écoles, analyse les questionnements et les problèmes soulevés par l’école inclusive, qui désigne l’intégration dans des classes normales d’enfants souffrant de handicaps. Elle y souligne la solitude de l’enseignant face aux défis pédagogiques posés par cette démarche ainsi que le manque d’accompagnement adapté.

Il est clair que les enjeux de l’inclusion trouvent leur source dès les premières années de scolarisation. On peut penser que les conséquences d’un manque de moyens déployés pour la favoriser dès le départ, sont lourdes une fois les élèves devenus étudiants.  Il y a de nombreuses voix pour exprimer un mécontentement grandissant dans notre pays, et certaines interpellent nos instances dirigeantes avec vigueur. Ainsi le collectif “Une école inclusive pour tous”, qui réunit des parents, des enseignants et des AESH (les personnels qui s’occupent de l’accompagnement des élèves en situation de handicap), organisait une manifestation devant le palais Bourbon le mercredi 29 mars, pour que “chaque enfant handicapé bénéficie d’une scolarisation adaptée à ses besoins“.

On le comprend la France est un pays dont le système éducatif fait face à des situations complexes et notamment une exigence de plus en plus forte en matière d’accès à la réussite pour tous. L’inclusion est certainement un thème majeur pour l’élaboration d’un futur souhaitable pour l’enseignement supérieur. Les universités sont une nouvelle fois en première ligne pour garantir l’esprit républicain et l’égalité des chances. Cette mission noble peut mobiliser tout notre éco-système pour trouver de nouvelles solutions et répondre à la diversité du monde étudiant.

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