Alors que la décision de Madame la ministre Sylvie Retailleau d’allouer quelques 100 euros et deux places pour assister aux JO de Paris 2024, en compensation de la réquisition de leur logement universitaire, a provoqué quelques commentaires acides, l’État français espère enrôler près de 3000 étudiants dans des missions de sécurité rémunérées. Pour autant, le sport français se prépare à la grande fête mondiale quand certains athlètes, futurs participants et possibles médaillés, fréquentent encore les bancs de nos universités.

Quels sont leurs moyens, quels sont leurs résultats ? Sommes-nous une nation favorisant le sport ?

Autant de questions que nous tentons d’explorer dans cet article, pour bien préparer les Jeux Olympiques 2024 !

Lorsque l’on pense au sport universitaire, l’image des championnats nord-américains de football ou de basket-ball, vient tout de suite à l’esprit, insufflée par les stades immenses et leur médiatisation mondiale. Ces sportifs et ces spectacles hors normes sont-ils représentatifs de l’esprit d’ouverture et de respect prôné par l’universalisme ? Mais cette vision américaine du sport est-elle partagée par l’ensemble du monde universitaire, qui se veut par principe non professionnel ?

Pour commencer cette exploration, rappelons que la NCAA (la fédération des sports universitaires américains) regroupe quelque 460 000 étudiants-athlètes présents dans 1280 établissements du supérieur aux Etats-Unis. Tous ces athlètes étant non professionnels, on peut être surpris que les revenus de la NCAA dépassent le milliard de dollars, tandis que le sport universitaire génère près de 12 milliards au global. Autre chiffre qui ferait rêver n’importe quelle université en France, 24 universités américaines enregistrent, chacune, un revenu de 100 millions de dollars ou plus grâce au sport universitaire. Cette manne financière permet par ailleurs de « sponsoriser » les étudiants les plus talentueux, puisque l’on estime qu’une bourse pour un parcours universitaire représente un avantage de près de 300 000 dollars pour l’étudiant-athlète.

Évidemment, la comparaison s’arrête ici.

L’université française ou même européenne n’a pas ces moyens là. Alors comment inciter nos étudiants sportifs à pratiquer davantage ? Les structures et installations sportives de l’enseignement supérieur sont-elles à la mesure de l’enjeu olympique ?

Avant tout constat sur les moyens, si l’on prend en compte les résultats sportifs des derniers jeux mondiaux universitaires de 2023, en hiver à Lake Placid ou en été à Chengdu, le bilan est assez flatteur. En effet, dans les deux cas, les athlètes français ont amassé un nombre record de médailles, classant le pays respectivement à la 4ème et 10ème place, soit la première place pour une nation européenne !!

Pourtant si l’on descend un instant du podium, on constate que le niveau d’activité physique des étudiants n’est pas exactement ce que l’on qualifierait de performance olympique. Ainsi une étude publiée par l’Association nationale des étudiants en STAPS (ANESTAPS) et l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (ONAPS) en septembre 2022, dresse un bilan très mitigé. En effet, si 42% des étudiants font du sport 5 fois par semaine, ce qui est louable, pour 34% la pratique d’une activité physique diminue à mesure que le temps passé devant un écran augmente pour atteindre le seuil de 8 heures par jour. On note aussi que les étudiants sont le plus souvent motorisés, et que seuls 30% d’entre eux se rendent sur leur campus en marchant ou en pédalant sur leur vélo.

Pour Ludovic Raffin-Marchetti, directeur du Département activités physiques et sportives (DAPS) de l’université Sorbonne Paris-Nord, le sport doit entrer sous forme de points acquis dans les évaluations des formations à l’université. Dans une interview récente, il explique qu’ « il faut qu’ils aient du sport obligatoire dans les trois premières années de leur cursus. C’est aussi une façon de lisser les inégalités, entre ceux qui ont davantage de moyens pour pratiquer à l’extérieur et ceux qui sont obligés de travailler en parallèle de leurs études. » Car la pratique du sport n’est pas donnée à tout le monde. D’autant que seuls 20% des étudiants sont inscrits dans des structures universitaires pour pratiquer. Or l’enjeu dépasse le sport puisque certains voient dans une pratique régulière des bénéfices en termes de soft skills et de facilité à intégrer une organisation professionnelle.

Garantir la santé des étudiants est aussi une responsabilité des établissements d’enseignement supérieur. Ce que confirme Ludovic Raffin-Marchetti, en affirmant : « Le vrai enjeu, c’est la santé de nos étudiants. On est clairement dans une phase de transformation. Avant, l’université était moins sensible à ces questions. Depuis le Covid, elle s’est saisie de nombre de problématiques qu’elle ne gérait pas avant ou insuffisamment. »[1]

Cet état des lieux et l’urgence de mettre le sport en avant chez les jeunes français ont poussé les instances ministérielles à s’emparer du sujet. Ainsi en juin 2022, France Universités a demandé à Stéphane Braconnier, Président de l’Université Paris-Panthéon-Assas, de présenter une stratégie « permettant de mieux utiliser les infrastructures sportives et de donner les moyens aux établissements d’accompagner les sportives et sportifs de haut niveau ».

Le rapport du Président Braconnier intitulé « Le sport, une ambition pour l’université » a été présenté en début d’année et propose certains axes clés. On y lit notamment que « les universités doivent développer des initiatives pour amener au sport les étudiants qui en sont plus éloignés pour des raisons diverses (physiques, psychologiques, sociales, etc.). C’est pourquoi il faut penser une offre adaptée aux primo-entrants à l’université : instaurer une offre découverte sport, découverte remise en forme ou encore des tests de capacité physique dès la rentrée universitaire ».

Quels sont les principales recommandations de ce rapport ?

Instaurer un label « Campus Sport » avec l’ambition de mieux identifier les universités qui font des efforts pour mieux accueillir et encadrer les étudiants sportifs, y compris en proposant des installations performantes.

Désigner un référent « sportif du haut niveau » dans chaque établissement pour les étudiants sportifs de haut niveau, de manière à les accompagner durant la totalité de leur parcours universitaire, de leur faciliter le suivi de leurs cours et de leur activité, et d’éviter ainsi des décrochages regrettables.

Et surtout, la mise en œuvre d’un véritable plan d’urgence 2030, pour investir dans la remise à niveau des installations sportives présentes sur les campus français. « La pratique sportive des étudiants se heurte principalement à l’insuffisante disponibilité des créneaux disponibles et, plus encore, à l’inadaptation du temps universitaire à une pratique régulière. La préservation du temps pour le sport doit donc devenir une priorité », analyse Stéphane Braconnier. L’auteur du rapport précisant qu’il est de la responsabilité de l’université « d’amener les équipements aux étudiants ».

Aujourd’hui, certaines universités n’ont pas attendu le rapport ministériel pour faire bouger les lignes. L’exemple de l’université de Poitiers, cité dans le rapport, est suivi par d’autres. Chaque lundi, les étudiants de Poitiers ont rendez-vous sur la plateforme Clique ton Sport, pour choisir leur séance, selon leur activité préférée et en conformité avec leur planning de cours de la semaine.

L’objectif des JO de Paris 2024 est encore bien loin des préoccupations de la plupart des étudiants français. Être en bonne santé, avoir une activité physique régulière sur leur campus ou à proximité constituerait déjà une bonne nouvelle pour celles et ceux qui jugent passer trop de temps sur les bancs et les chaises des universités.