Orianne Ledroit est Déléguée Générale d’EdTech France, qui représente et soutient les entreprise oeuvrant dans le domaine de la technologie de l’éducation.

Ce mois de Janvier est un mois important pour la EdTech avec différents salons comme le BETT Show à Londres et Learning Technologies à Paris. Quels enseignements tirez-vous de ces salons ?

Le mois de janvier concentre deux événements majeurs pour la filière edtech : le BETT qui est le salon international de référence en matière de numérique éducatif et Learning Technologies davantage tourné vers les innovations technologiques et pédagogiques dans la formation.

Ces deux événements donnent à voir la vitalité entrepreneuriale de la filière française : EdTech France compte aujourd’hui 412 adhérents et chaque mois de nouvelles entreprises nous rejoignent. Elles étaient plus de 60 à exposer leurs solutions sur ces deux salons et plus d’une centaine à y participer.

Ces rendez-vous démontrent également l’utilité concrète de nos edtech pour relever les principaux défis du pays : rénover l’école pour améliorer la performance éducative et l’égalité réelle des chances, former plus massivement aux métiers qui évoluent et à ceux qui émergent, soutenir la ré-industrialisation, nourrir perpétuellement notre puissance d’innovation pour tenir notre rang et garantir notre souveraineté.

Enfin, ils sont l’occasion d’avancer avec nos partenaires sur des chantiers communs : structuration des marchés, amélioration de la commande publique, soutien à l’export… La vitalité de nos entrepreneur.e.s et l’utilité confirmée des edtech nous obligent à régler – avec pragmatisme et exigence – les blocages et les difficultés auxquels les edtech se heurtent encore trop souvent. Nous avons, par exemple, lancé depuis Londres la “Team France Filière EdTech” avec Business France ainsi que les Ministères de l’Éducation nationale et des Affaires étrangères. L’objectif est simple : améliorer le soutien aux edtech qui partent à la conquête de marchés étrangers (agenda annuel, cartographie des marchés prioritaires, guichet unique d’appui).

Quelles sont les tendances ou innovations les plus marquantes dans l’univers EdTech pour 2024 ?

Sans surprise, nous constatons un boom de l’IA et notamment des solutions mobilisant les IA génératives. La France tient sa place. Deux entreprises françaises ont été primées au BETT : Nolej a gagné le concours international des Global EdTech Start-ups Awards (GESA) où étaient engagées plus de 7000 start-ups du monde entier. De son côté, EvidenceB a été récompensé du prix “Company of the year”. Ces deux entreprises utilisent l’IA : la première pour traduire tout contenu pédagogique d’un enseignant à l’école ou à l’université en une série d’activités interactives favorisant l’ancrage mémoriel des élèves. L’autre en permettant la “différentiation pédagogique” des mathématiques donc l’apprentissage au rythme de chaque élève. L’IA irrigue aussi de plus en plus l’organisation interne de nos entreprises qui l’utilise au service de l’amélioration de leur productivité.

D’ailleurs, la capacité de nos entreprises à se saisir des technologies d’IA est cruciale tant celles-ci – qui se diffusent progressivement dans tous les pans de nos vies – configurent notre rapport au monde et contribuent à garantir notre souveraineté.

Au-delà des IA, les entreprises cherchent à tirer profit des réalités augmentées et virtuelles (jumeaux numériques notamment) pour renouveler les expériences d’apprentissage.

Enfin, nous voyons une diversification des modèles d’affaires des edtech qui cherchent à s’adresser à plusieurs marchés (K12 et enseignement supérieur, formation et corporate learning, etc.) et ciblent différents acheteurs (B2C, B2B, B2G). D’abord par contrainte pour assurer leur résilience financière (parfois même leur survie tant les marchés notamment du K12 sont complexes). Mais aussi par opportunité parce que leurs solutions adressent des besoins multiples et transverses.

Quels sont les objectifs d’EdTech France pour 2024 ?

2023 a été une année de mouvement pour l’association et pour la filière. Pour l’association, d’abord, avec l’arrivée d’une nouvelle équipe – Joffrey Renaux et moi-même. Pour la filière ensuite, c’est le lot des entrepreneur.e.s. Mais le contexte est particulièrement mouvementé avec l’accélération des innovations technologiques et la frilosité des marchés financiers.

2024 sera une année de consolidation. EdTech France est née il y a 5 ans. Notre crédibilité dépend de notre capacité à ajuster nos actions en fonction des besoins de nos entreprises. En 2024, EdTech France doit devenir un levier solide et ambitieux de maturité pour la filière.

Premièrement, en pesant sur les décisions majeures de structuration des marchés. Nous formulons des propositions concrètes et réalistes. Quelques exemples. Sur le marché du K12, le compte ressources edtech – construit à partir de l’expérience des Territoires numériques éducatifs – doit permettre de donner aux enseignants la capacité d’acheter les ressources pédagogiques dont ils ont besoin. Sur l’enseignement supérieur, nous avons rejoint le programme “Je Choisis la FrenchTech” car nous pensons qu’il y a des améliorations à concrétiser en matière de commande publique avec les universités. Sur la formation professionnelle, nous soutenons l’amélioration de la mesure d’impact pour garantir la professionnalisation du secteur et l’efficacité de la dépense publique. Enfin, nous initions un travail plus structuré et formalisé au service de nos entreprises qui adressent le marché du corporate learning – marché prometteur pour la filière mais qui subit des réductions budgétaires de 3 à 5%. Nous avons commencé par des webinaires thématiques. Nous allons préciser les initiatives avec nos adhérents.

Deuxièmement, en donnant les outils et ressources indispensables à nos entreprises, aux différents moments de leur croissance : webinaires, programmes d’accompagnement, partenariats d’expertise, appui à la visibilité média, sans oublier le networking entre edtech. Le tout pour leur faire gagner du temps, de l’expertise, du réseau et de l’argent.

Nous attendons avec impatience les résultats de l’étude filière qui vient d’être lancée. Financée par notre partenaire historique La Banque des Territoires et opérée par EY-Parthenon, cette étude doit nous permettre d’avoir une vue à jour sur ce que représente la filière (nombre d’entreprises, d’emplois, répartition par secteur et modèle d’affaires, fonds levés, etc.) et des clés d’analyse des besoins et des attentes de nos entreprises.

Enfin, nous participons à nourrir le débat public sur le numérique et l’éducation, la formation. Il en va de la crédibilité de la filière. Le chemin d’une pensée responsable, inclusive et ambitieuse sur le sujet est encore long. Loin du catastrophisme délétère ambiant sur les écrans. Loin aussi d’un optimisme naïf qui verrait en la technologie la solution à tous les maux. Nous travaillons pour cela à identifier les programmes d’analyse d’impact des solutions technologiques dans l’apprentissage. Nous en avons de nombreux déjà à notre disposition, souvent peu pris en compte. Nous devons les rendre visibles et construire un débat éclairé à partir de ces travaux.

En bref, il s’agit pour nous de faire filière.

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